J'ai porté mon fils aujourd'hui. Je l'ai soulevé par les aisselles pour que je puisse contempler son beau visage, l'embrasser sur les joues. Aujourd'hui, j'ai regardé un homme portant, d'à peu près la même manière, le cadavre sans tête d'un·e jeune enfant, un enfer enflammé derrière eux.

J'ai regardé l'enfant palestinien sans tête, et le mélange d'horreur et de tendresse avec lequel l'homme le tenait. J'ai regardé les flammes et la fumée. J'ai pensé aux soldats et aux drones israéliens, qui apportent l'enfer aux gens dans la vidéo sur mon téléphone.

J'ai pensé aux soldat·es israélie·nnes et j'ai pensé à l'enfer.

J'ai pensé à mon fils et à comment on porte les enfants. J'ai pensé à dire à mon fils, quand il se cogne la tête, mon amour, fait attention à ta tête, c'est une cargaison précieuse. Chaque centimètre de lui est un trésor. Et cet enfant, déchiré par un enfer de conception israélienne. Chaque centimètre de cet enfant brûlé, une grande partie de l'enfant manquante.

J'ai pensé à ces mots : l'enfer. Israélien·ne. Palestinien·ne. Enfant. Tête. Sans tête. Porter.

Je n'ai pas été élevé pour croire en l'enfer, mais j'en ai pris conscience par l'intégration culturelle, et la possibilité d'un tourment éternel m'a terrifié en tant qu'enfant. De maintes fois, mon père ne pouvait m'aider à m'endormir qu'en me rappelant encore et encore qu'en tant que Juif·ves, nous ne croyions pas en cet endroit redoutable, qu'il ne pouvait pas me toucher parce que ce n'était pas le mien. Une simplification excessive bien sûr. De nombreux textes Juif·ves et penseur·euses religieux·ses parlent d'un temps de torture et d'horreur après la mort pour les pécheur·esses. Encore aujourd'hui, vous pouvez être menacé par des rabbins et d'autres personnes d'un destin à Gehinnom, une vallée étrange près de Jérusalem où, au début de l'ère commune, les déchets et les corps de criminel·les étaient brûlés. Les Israélien·nes y ont construit un pont, afin que vous puissiez passer au-dessus de la vallée sans jamais y descendre.

En pensant à la valeur religieuse de la cohésion Juive, ce que nous appelons Ahavas Yisroel, l'amour des Juif·ves les un·es pour les autres, pour la communauté, j'ai pensé pendant de nombreuses années à une histoire d'IL Peretz dans laquelle un Hasid a un cauchemar où il est de plus en plus seul dans un palais de glace. Le Hasid se réveille de son cauchemar en criant : « Oh Maître de l'Univers, je préfère brûler pour une éternité en enfer avec le peuple d'Israël, que passer une seule autre minute dans cet endroit ! »

Pendant des années, c'est l'éthique à laquelle je me suis tenu. Aimer mes semblables Juif·ves, même si cela m'a condamné.

J'aime toujours mes cher et chères Juif·ves. Cela m'a conduit ici, en enfer. Je ne savais pas, mais j'aurais dû, que le sionisme nous y mènerait, que le gouvernement et les soldats d'Israël seraient si désespérés de tuer et de punir les Palestinien·nes pour le crime d'être leurs voisin·es. Maintenant, nous sommes ici, avec des Palestinien·nes vivant dans un enfer, essayant de s'en libérer, et un État s'appellant Israël alimentant les flammes avec des bombes fabriquées aux États-Unis. Et où cela nous laisse-t-il, nous les Juif·ves ?

Je porte mon enfant et je l'élève comme un juif. Je lui embrasse la tête ; louange en Yiddish, son intelligence. Yiddisher kop, je dis. Une bonne tête Juive. L'enfant palestinien·ne que je vois dans mon téléphone, sans tête. Derrière mes yeux. Dans mon âme. Sans tête, petit cadavre.

Je veux que cette guerre se termine. Je veux une Palestine libre. Je veux que nous portions nos enfants, que nous élevions nos enfants pour qu'ils aiment qui et ce qu'ils sont. Et je veux que les martyr·es regardent de haut leurs meurtrier·es, qui seront, je l'espère, en enfer. Que Dieu nous sauve. Dieu sauve le peuple d'Israël, de nous-mêmes, du sionisme. De l'enfer.


Mordecai Martin est un homme fou/survivant de l'institution psychiatrique, bisexuel, écrivain juif Ashkénaze travaillant entre New York, Mexico et Philadelphie. Son travail examine les liens entre la folie, les miracles, les villes et l'amour. Il poursuit une maîtrise en beaux-arts au Randolph College.

Texte original paru sur son blog le 27 mai 2024 : Hell. Hold. Head., tous droits réservés.


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